Dans son dernier article Gautier nous a présenté la notion de triangle de l’exposition constitué par l’ouverture du diaphragme (quantité de lumière atteignant le capteur), la vitesse d’obturation (le temps où le rideau de l’obturateur laisse passer la lumière) et la sensibilité ISO (International Standard Organisation) soit la capacité plus ou moins grande à percevoir l’image.
Pendant toute la période argentique, plutôt que de triangle il était plus juste de parler de « Bipied » assisté d’un troisième sur lequel le photographe n’avait de choix qu’au moment de l’achat de la pellicule. Cette « sous-traitance » du film à la sensibilité ASA (American Standard Association), devenue ISO en numérique, ne laissait guère le choix. Il fallait s’adapter, « bidouiller » en poussant les sensibilités des films à la prise de vues et rectifier au moment du développement. Beaucoup y laissaient quelques ongles et cheveux sur les bords de la paillasse…
Avec le passage au numérique, le photographe s’est affranchi de nombreuses contraintes d’exposition, dont on ne pèse plus vraiment les avantages.
Il n’y a pourtant pas si longtemps, se posait la veille de la sortie, la question du choix de la sensibilité du film (le plus souvent 36 poses) le mieux adapté aux conditions d’éclairage à venir. Même la météo avait son mot à dire, brouillard, soleil, vent, autant de conditions qui pouvaient orienter vers le choix de l’émulsion.
Plus la sensibilité ASA du film était élevée, plus les grains formés par les cristaux de bromure d’argent dans la gélatine du film devenaient visibles. Si le choix n’avait pas été le bon, les 36 photos avaient le même grain… Vous imaginez la scène pour le voyage de noce ou le baptême du petit !
Le choix était restreint, allant à peu près du 25 au 400 ASA soit un rapport de 1 à 16. Le grain est devenu le bruit en numérique, et la sensibilité affichée par la plupart des constructeurs s’étale au minimum entre 100 et 6.400 ISO, soit un rapport de 1 à 64 !
Le numérique nous permet d’adapter la sensibilité ISO à chaque prise de vue… Cette notion de troisième outil, venant créer le principe du triangle d’exposition.
A partir de ce moment, le diaphragme, la vitesse et la sensibilité peuvent faire « jeu égal » dans l’exposition de nos photos.
Alors à quoi sert et à quel moment faut-il modifier la sensibilité ISO ?
La règle de base (à moins de rechercher un effet mettant en valeur le bruit), est de travailler avec une sensibilité ISO la plus basse possible, ce qui permettra en post-production de profiter d’agrandissements plus grands et moins bruités. Augmenter les ISO peut vous sauver la mise dans bien des cas (là ou en argentique il aurait fallu renoncer à la prise de vue, à moins d’avoir plusieurs boitiers équipés chacun de film à la sensibilité différente.. !)
Imaginez : vous voulez tirer le portrait de votre petit dernier sur sa trottinette toute neuve, mais la lumière de fin de journée décline sérieusement. Le diaphragme ouvert au maximum, la vitesse descendue à la limite du flou de bougé, il ne vous reste plus qu’à augmenter la sensibilité ISO et à déclencher.
Imaginez encore : encore le petit dernier qui arbore sa 1ère étoile avec le Mont-Blanc en arrière fond. Pour avoir tous les plans nets, vous avez fermé au maximum le diaphragme, mais la vitesse vous paraît trop lente… Alléluia, vous augmentez la sensibilité ISO et le cliché pourra s’afficher sur le buffet de mamie !
La sensibilité ISO nous permet donc un ajustage de la bonne exposition, lorsque les deux autres paramètres ne peuvent plus être modifié, mais évidemment il y a un mais ! Le système a en effet ses limites que les constructeurs se gardent bien d’aborder… Car même si votre boitier vous propose fièrement une sensibilité maximale de 12.800 ISO voire plus, très rares sont les capteurs capables de restituer une image avec un bruit acceptable.
A savoir : le bruit numérique peut être réduit très facilement en utilisant un logiciel de traitement d’image (Lightroom ou Photoshop par exemple). Le résultat final sera d’ailleurs bien meilleur si la photo a été prise en RAW plutôt qu’en JPG, mais nous reviendrons dans un autre article sur le sujet.
Chacun de nous a sa marge de tolérance, et c’est pourquoi il serait judicieux de faire la distinction entre Sensibilité ISO Maximale Théorique ou SIMT (celle du constructeur, toujours très optimiste…), et Sensibilité ISO Maximale Acceptable ou SIMA, variable pour chacun et très dépendante de la qualité du capteur… Une recherche sur le sujet mène à la conclusion (à prendre avec réserve quand même.. !), que la SIMA est dans la plupart des cas égale à la SIMT divisée par 4. Par exemple si votre boitier est annoncé avec une SIMT à 6.400 ISO, comptez plutôt sur une SIMA de 1.600 ISO. Et ainsi de suite… Cette appréciation ayant une part de subjectivité, il ne tient qu’à chacun de rechercher sa SIMA en opérant la même prise de vue à différentes sensibilité.
En pratique, et pour en revenir au titre de l’article, les constructeurs (conscients de cette notion de SIMA), ont pour la plupart développés dans leur logiciel embarqué, une fonction qu’il vous faudra chercher dans les Menus (« Prise de Vue » chez Nikon). Dans le réglage de la sensibilité, il vous faudra activer le Contrôle de la Sensibilité Automatique et régler une Sensibilité maximale équivalente à votre SIMA. Dit comme ça, c’est peut-être un peu abstrait, mais prenez en main votre boitier et lancez vous ; vous verrez que c’est tout simple !
Cette fonction, trop cachée dans le logiciel, vous permettra de vous débarrasser une bonne fois pour toute (ou presque…) du souci du bruit sur vos photos. Vous n’aurez donc plus qu’à vous concentrer sur votre intention artistique, diaphragme pour la profondeur de champs et vitesse pour le figé ou le filé de votre sujet…
Bonnes photos à toutes et à tous !