Lorsqu’il m’a été donné l’occasion d’utiliser un objectif à focale très courte comme le SAMYANG 8mm f :3,5, j’ai pu me rendre compte de la difficulté à faire la mise au point, tant la bague me paraissait tourner facilement sans avoir d’effet sur la netteté de la visée. A vrai dire, l’image me paraissait toujours nette dans le viseur, j’ai donc multiplié les prises de vues jusqu’à utiliser la loupe pour visualiser le rendu des premières images.
Et là, la déception fut grande, tant le résultat était catastrophique…
Pas une photo nette, là où je m’attendais à une profondeur de champs maximum.
Soit le premier plan était flou et le fond net, soit le contraire. Il faut préciser que j’étais dans un endroit peu lumineux (beaucoup de photos ont été faites en intérieur) avec une ouverture de diaphragme entre 3,5 et 5,6.
Auteur Homer Simpson: Matt Groëning
Pour une fois que je ne cherchais pas à isoler mon sujet, il a fallu que je me rende compte qu’une notion m’avait échappée ; celle de la profondeur de champs maximum, dite « Hyperfocale ».
Qu’est-ce que l’hyperfocale ?
L’hyperfocale est la distance minimum à partir de laquelle le sujet est net, si on fait la mise au point sur l’infini.
Oui, mais encore..!
Commençons par respirer un bon coup et tout va bien se passer…
En d’autres termes, connaître la distance hyperfocale de son objectif, permet d’en tirer le meilleur parti en terme de profondeur de champs. Utiliser l’hyperfocale permet d’optimiser la plage de netteté pour une ouverture de diaphragme donnée.
Et là pour le coup, le modernisme ne nous a pas franchement facilité la tâche, puisque l’autofocus généralisé a purement et simplement fait disparaître physiquement l’hyperfocale (qui était gravée sur le fut des objectifs ; cf photo ci-dessous), plage de netteté optimale, au profit d’un point de netteté mieux connu sous le nom de collimateur présent dans le viseur (mais plus rien d’apparent à l’extérieur sur l’objectif).
Ci-dessous la reproduction d’un objectif des années 70 où apparaissait clairement l’échelle de profondeur de champs en fonction de l’ouverture du diaphragme.
Le diaphragme a en effet son mot à dire sur l’hyperfocale…
Cette distance (celle qui sépare le photographe de l’endroit de la mise au point) à partir de laquelle tout sera net jusqu’à l’infini, sera d’autant plus petite que le diaphragme sera fermé.
Concernant cette zone de netteté, appelée profondeur de champs, il existe une constante quelle que soit la focale et quelle que soit l’ouverture, c’est que la plage de netteté se répartit d’environ 1/3 devant le sujet (l’endroit où la mise au point a été faîte) et 2/3 derrière.
Démonstration visuelle sur un objectif d’ «ancienne génération ».
Exemple 1 :
Le photographe a réglé son diaphragme sur f/8
Si l’on positionne le repère « infini » de l’échelle des distances en face du « 8 » dans la partie droite de l’échelle des diaphragmes, on obtient une profondeur de champs maximum qui s’étendra de 1m à l’infini.
L’hyperfocale étant alors proche de 1m50.
Exemple 2 :
Le photographe a réglé son diaphragme sur f/5,6
Dans ce cas, la profondeur de champs s’étend de 1m50 à l’infini, l’hyperfocale se situant entre 3 et 4 mètres.
Pour les plus courageux, il existe une formule qui permet de déterminer avec justesse l’hyperfocale d’un objectif en fonction de sa longueur focale et de l’ouverture de diaphragme utilisée.
Hyperfocale = (focale)2 / (ouverture x cercle de confusion)
Attention, le résultat est exprimé en mm, il faudra donc diviser par mille pour l’avoir en mètre, plus exploitable.
Je laisse à chacun le soin d’en découvrir plus sur la notion subjective (puisque liée à l’acuité visuelle de chacun) du cercle de confusion. Pour faire simple, cette notion correspond au diamètre du point le plus petit que votre vue vous permettra de considérer comme net. Dépendant du format de tirage, de la distance d’observation et de la taille du capteur initial, on comprend bien que cette notion est difficilement appréciable.
On retiendra cependant concernant les capteurs plein format 24×36, des valeurs du cercle de confusion proches de :
0,02 pour Nikon et Pentax
0,019 pour Canon.
Même si cette notion paraît un peu rébarbative de prime bord, le jeu en vaut la chandelle, et ce d’autant plus que vous pratiquerez la photo de paysage (ou même de reportage). Dans ce cas précis, la plus grande profondeur de champs sera généralement recherchée, pour mettre en valeur les successions de plans qui construisent l’image.
En mettant au point sur l’infini, le photographe se prive d’une bonne partie des premiers plans, même à diaphragme fermé. L’hyperfocale permet de d’éviter cet écueil.
En pratique, l’hyperfocale c’est quoi ?
Quand la mise au point est effectuée sur la distance hyperfocale, la profondeur de champ s’étend de la moitié de cette distance hyperfocale jusqu’à l’infini.
Faire la mise au point sur l’hyperfocale, permet d’obtenir la plus grande zone nette possible sur l’image.
ou encore….
L’hyperfocale au quotidien, sans calculatrice ou règle à calcul.
Puisqu’il n’est plus possible de se référer aux indications de profondeur de champ qui figuraient sur les anciennes optiques, il va bien falloir trouver un moyen simple pour optimiser la plage de netteté, sans avoir recours à la complexe formule mathématique.
Heureusement il existe un moyen très simple, mais attention !! il ne fonctionne que pour une longueur focale et une ouverture de diaphragme donnée!
Moindre mal, puisque l’on change rarement de focale en photo de paysage et que le diaphragme reste le plus souvent assez fermé…
Quand vous faites la mise au point à l’infini, la distance hyperfocale est en fait le point net le plus proche de vous.
Comment procéder en pratique ?
- Faites un cliché en mettant au point à l’infini.
- Regardez le résultat : le point net le plus proche de vous est l’hyperfocale.
- Refaites le même cliché en mettant au point sur l’hyperfocale plutôt que sur l’infini.
- L’image est toujours nette jusqu’à l’infini, mais en plus vous avez gagné 1/3 de la zone de netteté, entre vous et ce point d’hyperfocale.
Remarques et Conseils:
*Outre le gain dans la plage de netteté, l’intérêt de l’hyperfocale est de pouvoir déclencher sans même mettre l’œil au viseur, ou en tout cas sans se préoccuper de faire la mise au point.
*L’hyperfocale se révèle être la plus efficace pour des focales allant du grand angle à la focale « normale » (50mm en 24×36).
*Essayez, dans la mesure du possible, d’adopter le diaphragme offrant la meilleure qualité optique (souvent f/5,6 à f/11).
Merci Vincent pour ces explications ! Maîtriser cette notion d’hyperfocale permet également d’être hyper-réactif quand on pratique la photo de rue. Pas de problème avec l’autofocus qui patine ou le collimateur qui n’est pas au bon endroit, il suffit de garder en tête la distance minimum à conserver avec le sujet pour que celui-ci soit net, et de privilégier le mode « priorité ouverture » afin de travailler à ouverture constante. Par contre attention à soigner vos arrières-plans : tout élément situé derrière le sujet sera net 🙂
Pour l’histoire : les appareils photo « jetables » et les anciens compacts argentiques « basiques » étaient réglés sur l’hyperfocale, ce qui évitait de devoir y intégrer un coûteux et complexe système de mise au point !
Vincent, Bravo pour cet article. Très clair et très bien illustré. J’avais, dans d’autres temps, un appareil photo Kodak Retinette, sans télémètre. Je prenais 98% de mes photos en utilisant la fourchette de profondeur de champ. J’ai appris après coup que je me réglais sans le savoir sur l’hyper focale. Et je fus très fier (toute modestie gardée) quand j’ai appris après coup que c’était le mode de fonctionnement des grands photographes dits « humanistes » (Doisneau etc..) fonctionnaient comme ça avec leur mythique Leica.
Michel