La vie à deux n’est pas toujours une histoire facile, et la notion de couple n’est pas un gage de réussite. Certains fonctionnent d’emblée alors que d’autres nécessitent quelques petites rectifications, voire quelques concessions pour que tout se passe « comme sur des roulettes » rondes, et pas carrées…
L’occasion de le vérifier m’en a été donnée récemment lors de la vente à un photographe professionnel de mon objectif ———35mm f :1,4 ——-.
Le jour de la vente, mon acheteur est arrivé accompagné de son amie et le couple avait l’air très complice, bien décidé à passer au crible et en détails toutes les facettes de l’objectif.
Un Nikon D4 autour du cou, il a commencé par demander à sa moitié de bien vouloir remonter une manche de son pull jusqu’au dessus du coude, qu’il a aussitôt marqué d’un point noir de la taille d’une lentille.
Bras tendu, incliné à 45° vers le bas, elle s’est positionnée à un peu plus d’un mètre de son objectif, puis il a déclenché à plusieurs reprises en faisant la mise au point sur le point noir.
C’est à ce moment que les surprises et les découvertes se sont succédées…
Il regarde le résultat sur son écran, utilise la loupe , me regarde, regarde le point noir, regarde à nouveau son écran et finit par faire une grimace dont je me souviens encore.
« Zut, j’ai un méga Back-Focus sur mon image… », me dit-il.
Moi : « Quoi ?… »
Lui : « J’ai pourtant bien utilisé le collimateur central, certes à pleine ouverture… »
Moi : « Pardon ? »
Lui : « Mais vous, vous n’avez pas de problème de mise au point avec ce caillou ? »
Moi : « Bah non ! »
Lui : « Z’ëtes sûr ? »
Moi : « Bah y’a qu’a essayer… »
Je lui prête alors mon boîtier D610 et en quelques secondes le D4 était recapuchonné et le 35mm monté sur mon appareil.
Et là même scénario, même coude, même point noir et même collimateur central.
Il regarde le résultat sur l’écran du D610, me regarde en souriant et en m’annonçant que je détenais là un beau couple harmonieux et bien en phase.
Si ma femme avait assisté à nos échanges, elle aurait certainement trouvé ce photographe fort sympathique.
La première leçon à retenir est qu’en photographie et à propos de la mise au point par Autofocus, le couple boîtier–objectif peut ne pas fonctionner d’emblée correctement, et ceci n’épargne pas le matériel fraîchement sorti d’usine.
Il n’y a rien de pire pour un photographe que de ne pas parvenir à faire une mise au point précise, et cette déception est d’autant plus grande que l’on fera des plans rapprochés et à fortiori de la macrophotographie.
Le système autofocus peut présenter un dysfonctionnement avec un objectif (alors que l’image prise dans les mêmes conditions, pourrait être parfaitement nette avec un autre objectif en tous points identique), et ce problème sera d’autant plus visible que l’on utilisera une grande ouverture à la recherche d’une faible profondeur de champs.
En d’autre terme, ce dysfonctionnement autrement appelé Front-Focus ou Back-Focus sera quasiment indécelable sur une photo de paysage (ou la profondeur de champs est très grande), mais deviendra catastrophique lors d’un portrait ou d’une macro photo nécessitant une mise au point très localisée et très précise.
Pour une petite révision de la notion d’Autofocus, pensez à lire la suite dans l’article ci-dessous.
Imaginez lors d’une séance studio de faire la mise au point sur les yeux d’un modèle de face et d’avoir au final le nez net et les yeux flous, on parlerait alors de Front-Focus, c’est à dire que le système Autofocus a dysfonctionné (en faisant la mise au point en avant du collimateur choisi), pour le couple boîtier-objectif utilisé.
Mais alors qui est le coupable ? Le boîtier ou l’objectif ?
Le hasard qui les a réunis…
L’objectif 105mm de François qui lui donne pleinement satisfaction, donnera du Front-Focus sur le boîtier de Valérie, du Back-Focus sur celui de Daniel, et sera parfait sur l’appareil d’Isabelle. Mais heureusement aucun reproche ne pourra lui être fait sur la grande majorité des boîtiers.
Revenons en à mon acheteur qui après avoir cherché dans le Menu Configuration de son D4, me demande si je possède une grande règle graduée.
Après quelques instants, je le vois positionner la règle de 50cm à 45° contre le mur et scotcher son extrémité inférieure sur la table pour ne pas qu’elle glisse.
Le D4 positionné face au mur, sur une pile de livres de telle sorte d’avoir l’objectif à la même hauteur que la graduation 25cm de la règle, il commence à déclencher en m’expliquant l’intérêt d’utiliser une grande ouverture pour mieux cerner la plage du Back-Focus.
Le problème se confirme, mais la graduation permet d’un peu mieux apprécier l’amplitude de la zone de netteté, décalée vers l’arrière (vers les 26-27cm de la règle).
Il existe dans le commerce des mires de calibrage de la mise au point qui permettent de faire facilement les tests chez soi, pour chacun de ses objectifs. Le produit leader sur le marché étant la mire SpyderLensCal de Datacolor, mais il existe aussi différents modèles sur internet facilement imprimables et tout aussi efficaces (cf photos ci-dessous, mire imprimée puis collée sur du carton).
Pour télécharger gratuitement la mire de correction cliquez sur ce lien:
Conscients de ces problèmes de couples boîtier-objectif « mal unis », les constructeurs ont, pour leur boîtiers de milieu et haut de gamme, introduits une fonction correctrice à leur Menus de Configuration et comme d’habitude avec une terminologie différentes selon les fabricants :
CANON et SONY : « Micro-ajustement de l’AF »
NIKON : « Réglage précis de l’AF »
PENTAX : « Ajustement AF précis »
En pratique, voici comment procéder pour réaliser ce test chez vous :
1/ Placer votre mire sur une surface plane ou sur votre trépied (dans le cas de la SpyderLensCal) en vous aidant du niveau à bulle.
2/ Monter votre boîtier face à la mire et sur trépied de telle sorte que le milieu de la lentille frontale soit à la même hauteur que le Zéro de votre mire, le tout à une distance comprise entre 30x à 50x la longueur focale de l’objectif testé (si l’on tranche à 40x pour tester un 50mm, il faudra donc se placer à 40x50mm, soit 2mètres).
3/ Choisissez le Mode Priorité diaphragme, et sélectionnez l’ouverture maximum.
4/ Sélectionnez le collimateur central et placez le sur le Zéro de votre mire.
5/ Déclencher avec une télécommande ou le retardateur pour éviter toute vibration.
Maintenant qu’on a les images, il faut les analyser…
Dans l’idéal, le Zéro doit être parfaitement net et une plage de netteté répartie en environ 1/3 devant lui et 2/3 derrière lui, doit l’accompagner.
Si cette plage est décalée vers l’avant, on parle alors de Front-Focus et on lui attribue une valeur négative.
A l’inverse si la zone de netteté est située trop en arrière, on utilisera le terme de Back-Focus quantifié en valeur positive.
Maintenant qu’on a analysé, il faut corriger…
La solution passe par le réglage d’un curseur vers des valeurs positives ou négatives selon que l’on souhaite corriger un Front ou un Back-Focus.
Rendez vous dans le Menu Configuration « Réglage précis de l’AF » (on parle le langage des jaunes, bien sur !!). Assurez vous que le réglage précis de l’AF soit activé sur « ON », puis sélectionnez « Valeur enregistrée » qui sera celle que vous aurez sélectionnée.
Actionnez le curseur de la réglette pour obtenir la correction (valeurs positives pour Front-Focus, valeurs négatives pour Back-Focus).
Procédez s’il le faut en plusieurs temps en prenant soin de vérifier la correction obtenue à chaque manipulation du curseur jusqu’à obtenir un Zéro parfaitement net et une plage de netteté harmonieusement répartie de part et d’autre.
Et comme nos boîtiers sont munis d’une belle intelligence artificielle,
il leur sera facile de mémoriser la correction que vous aurez rentrée, à chaque fois que vous utiliserez l’objectif testé.
A chaque objectif sa correction, lorsque cela est nécessaire…
Dans le cas du Nikon D610 ci-dessus, le processeur peut mémoriser jusqu’à 12 corrections d’autofocus (Ligne « Liste valeurs enregistrées »).
Si après tout ça vous souffrez de céphalées ou de migraines pulsatiles, adressez vous à la pharmacie de garde, rue du Général Leclerc à Bougival.
Bonjour,
Dans l’écran de réglage précis de l’AF (plage de -20 à +20), qu’elle est l’unité de ce réglage ?
Les centimètres mesurés sur la réglette inclinée à 45° correspondent-ils à la valeur qu’il faut mettre dans le réglage précis ?
Merci de votre réponse.
A vrai dire, c’est une bonne question à laquelle je ne connais pas la réponse précise du constructeur (Nikon en l’occurence). Par expérience je répondrais qu’il n’existe pas de cohérence ni de similitude entre les valeurs proposées dans le Menu « Réglage précis de l’AF » et celles de la réglette inclinée à 45°. Le 35 mm dont il est question dans l’article présentait un Back-Focus (sur le boîtier D4 de l’acheteur) important d’environ 2cm sur la réglette, ce qui correspond en réalité plane à 1cm (souvenez vous: Sin45° = Cos45° = 1/2). Or le réglage qu’il a fallu entrer dans le Menu de correction était d’une valeur de -5 sur l’échelle proposée, soit très différente. Le cm n’est donc manifestement pas l’unité proposée, les graduations de l’échelle apparaissant plutôt comme des valeurs aléatoires et indicatives à un réglage qui se fera par petites touches jusqu’à l’obtention d’un Focus parfait. En tout cas, retenez que pour corriger un Front-Focus, il vous faudra déplacer le curseur vers des valeurs positives et réciproquement pour un Back-Focus.
c’est l’info que je cherchais (et la mire)
pour la mire elle serait parfaite pliée de l’autre coté: comme ça il suffirait de poser un petit truc dedans pour la stabiliser