Le grain et le bruit.

1/Le grain argentique.

Le terme « argentique » s’est répandu au début des années 2000 quand le besoin de différencier la photo classique de la photo dite numérique, s’est fait sentir.

Le film argentique tel que nous l’avons connu et que continuent d’utiliser certains passionnés, est constitué d’un support (film plastique actuellement, autrefois plaque de verre (1871)) recouvert d’une émulsion gélatineuse contenant, disposés de manière hétérogène, des cristaux de bromure d’argent sensibles à la lumière.

Outre l’aspect esthétique que certains cherchent à conserver à tout prix, soit par leur culture photographique soit par simple goût, la structure granuleuse de la photo argentique reste très hétérogène. Cette apparente « désorganisation » microscopique vient du fait que les cristaux sont répartis de manière aléatoire dans leur support gélatineux.

À la différence des pixels d’un capteur, répartis géométriquement en lignes et colonnes.

Le grain argentique ? Oui mais encore…

Lors du développement du film dans le bain de révélateur, une partie des cristaux exposés à la lumière va s’agglutiner pour former des agrégats d’argent, en laissant apparaître autour d’eux des zones vides qui constitueront le grain visible lors du tirage.

Ainsi le grain n’est pas le reflet de la taille des agrégats d’argent (de l’ordre de 20 µm), mais plutôt l’expression des espaces laissés vacants entre eux.

Lorsque les fabricants cherchent à augmenter la sensibilité de leurs films, le résultat est l’obtention de cristaux de plus grande taille, laissant entre eux des espaces vides proportionnels, donc plus grands.

Je me souviens d’un photographe dans les années 70, qui avait comparé les cristaux de bromure d’argent à des grains de maïs pour faire des Pop-corns… Ceux qui avaient été exposés à la lumière se transformaient en agrégat d’argent, exactement comme les grains de maïs sensibles à la cuisson se transformaient en Pop-corn. La taille du grain peut être comparée à celle du Pop-corn; petit grain de maïs / petit Pop-corn, gros grain de maïs / gros Pop-corn…

Si le grain est plus gros, alors il devient inévitablement plus visible puisqu’il faut en chimie argentique raisonner par inversion. Ainsi les espaces vides entre les agrégats d’argent constitueront le grain visible, lors du tirage sur papier, sous forme de points noirs.

Les grains de bromure d’argent avant l’exposition / Les agrégats d’argent après le développement

Parfois limités par l’offre du marché, les « argentistes » continuent de pousser leurs films lorsqu’ils veulent gagner en sensibilité.

En augmentant à la prise de vue la sensibilité affichée, le développement nécessite alors une correction consistant en l’augmentation de la durée d’immersion dans le bain de révélateur.

Comme la levure fait lever la pâte du boulanger, le révélateur va augmenter la taille des agrégats d’argent, et ce d’autant plus que la durée de révélation sera grande… et du même coup celle des espaces laissés vides, donc du grain.

Enfin il faut rappeler que l’appréciation subjective du grain est directement liée à la taille du tirage de reproduction. Plus cette taille sera importante et plus le grain sera perceptible, il suffira alors de se reculer un peu pour retrouver une certaine homogénéité dans l’image.

2/ Le bruit numérique.

Le bruit est l’équivalent numérique du grain argentique, il est engendré par le capteur numérique. Alors qu’en argentique ont changeait de pellicule selon ses besoins, le capteur d’un appareil photo numérique est inamovible. Autant dire combien il est important de le choisir en fonction de ses attentes…

Le capteur conditionne la qualité des images ; trois caractéristiques vont distinguer un capteur d’un autre : sa taille, sa résolution et la taille de ses photosites.

Rappelons qu’un capteur numérique est constitué d’une multitude de cellules photo électriques appelées photosites. Si l’on multiplie le nombre de photosites sur la longueur par celui de la largeur, on obtient le nombre total de photosites du capteur exprimé en nombre de pixels, ce qui en donne sa définition.

Sa résolution (souvent confondue avec la définition, probablement par le fait que les anglo-saxons pour parler de la définition utilisent le terme de « resolution »), correspondant au nombre de pixel par unité de longueur, ce qui correspond à la densité de pixels de l’image.

À l’origine du bruit numérique, la taille des photosites est un facteur important pour deux raisons :

  • Plus ils seront petits, donc nombreux pour une surface de capteur donnée, plus l’image aura de qualités en termes de définition.
  • Plus ils seront grands, plus ils seront aptes à capter la lumière.

En transformant les photons de la lumière en électrons (passage de l’analogique au numérique), les photosites se comportent comme de minuscules panneaux solaires. Or, plus un panneau solaire est petit, moins il génère d’électricité ; et inversement, plus il est grand, plus il en fournit.

La tendance actuelle étant d’accroître sans cesse la résolution des capteurs, autrement dit de diminuer la taille des photosites, il a fallu développer des logiciels de traitement d’image embarqués dans les boîtiers (« Expeed » chez Nikon, « Digic » chez Canon, « Prime » chez Pentax, « Bionz » chez Sony), afin de compenser le bruit généré par cette réduction de taille.

Le bruit numérique ? Oui mais encore…

Plus les photosites sont petits, plus il leur est difficile de capturer tous les photons se présentant à leur surface. Le signal électrique en découlant, pour être visualiser sous la forme d’un pixel, devra donc être amplifié pour être significatif.

Et c’est là la source du bruit, car en augmentant un signal électrique faible (faible parce que généré par peu de photons), on accroît également ses erreurs, créant ainsi le bruit électronique.

Il est donc logique que le bruit numérique prédomine dans les basses lumières.

Comme en photo argentique le grain devenait plus visible en augmentant les ASA, en photo numérique plus on utilise l’appareil avec une forte sensibilité ISO, plus le signal du capteur est amplifié et plus l’image devient « bruitée ».

Rien ne vaut les ISO natifs, ou presque…

Il faut également signaler l’effet délétère sur l’image de l’échauffement du capteur lors des poses longues générant ainsi un bruit accentué, appelé « bruit thermique ».

Le cumul des bruits électronique et thermique constitue le bruit numérique.

La correction du bruit en post-traitement sera d’autant plus efficace que les images auront été prises en RAW, permettant ainsi une plus grande plage de correction dans la dynamique des tonalités.

Il existe de nombreux logiciels de post-traitement comme Lightroom, Photoshop, Gimp,  Noiseware, Noise Ninja, DxO permettant avec plus ou moins de réussite de « lisser » le bruit sans affecter les tons et les contrastes des photos.

Deux types de bruit existent :

Le bruit de chrominance : altération de la couleur des pixels (généralement les pixels « bruités » tirent vers le rouge).

Le bruit de luminance : altération de la luminosité des pixels.

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3 thoughts on “Le grain et le bruit.

  1. Merci de cet exposé très clair.
    J’ai néanmoins trois propositions à vous faire :
    – expliquer ce que signifie Hi1 et Hi2
    – augmenter la taille des images de la bibliothèque, personnellement j’ai beaucoup de mal à distinguer des différences
    – un comparatif des APN (sur l’aspect bruit) serait le bienvenu
    PPz

    1. Bonjour Pierre,

      Les réglages HI1 et HI2 correspondent au mode de sélection « étendu » de la plage de sélection ISO. Cela permet de gagner encore en sensibilité à la lumière même si cela implique une plus grande détérioration de l’image… Techniquement je ne pourrais pas expliquer ce que cela implique (est-ce une réelle augmentation de la sensibilité ou un traitement numérique plus poussé au niveau de l’appareil), mais cela permet aux constructeurs de différencier les modes « normaux » avec une qualité d’image suffisante, de ces modes étendus pour lesquels la qualité de l’image obtenue sera plus fortement dégradée.
      Un comparatif des APN en fonction du bruit serait très difficile à établir vu le nombre de modèles disponibles sur le marché et leur évolution constante… Chaque photographe mettra en avant les capacités des appareils de sa marque favorite 🙂 Il faut simplement garder à l’esprit qu’un grand capteur (plein format ou APS-C) sera en général plus performant à résolution égale (En terme de bruit) qu’un capteur plus petit.

    2. Comme le précise Gautier, les modes Hi par incréments d’1/3 jusqu’à Hi1 (High1), puis Hi2 sont des modes étendus de la sensibilité, à n’utiliser que dans des conditions extrêmes de luminosité. Concert, spectacle ou danse avec peu d’éclairage ambiant, sont des situations où la pleine ouverture et l’exigence d’un temps d’exposition suffisamment court, nécessitent une montée en ISO importante. Les constructeurs pour préserver leur image de qualité, ont choisis d’adopter ces appellations « hors limites » tant vers les hauts ISO que vers les bas ISO. Ainsi la qualité optimale « assumée » par les constructeurs sera souvent 100-6400ISO; en deçà ou au delà, aucune réclamation ni aucune plainte ne seront recevables… Les utilisateurs sensés avoir lu leur notice, auront été prévenus!…
      A l’identique, la plupart des boîtiers possèdent une possibilité d’étendre les ISO vers le bas, souvent par incrément d’1/3 d’IL jusqu’à Lo1 (Low1). La qualité de l’image se dégrade par l’utilisation de cette fonction étendue Lo1, car l’allongement du temps de pose va provoquer un échauffement du capteur qui se traduira par l’apparition d’un léger bruit dit « thermique ». Là encore, les constructeurs « préviennent » de la dégradation de l’image lors de l’utilisation de cette fonction hors limite qu’est le Lo1.
      Quant à un comparatif sur la qualité de montée en ISO des différents APN du marché!.. Vaste question! Plusieurs critères régissent la qualité de montée en ISO d’un APN; la taille des photosites en premier lieu et bien sûr la qualité du logiciel de traitement d’image (ce paramètre évolue très rapidement). A résolution égale (densité de photosites par unité de surface), et avec le même traitement électronique d’image, un grand capteur type PF montera forcément mieux dans les ISO qu’un capteur APC. Pourquoi? Parce que le signal (plus intense)provenant de chaque photosite du capteur PF nécessitera moins d’être amplifié, et générera donc moins de bruit. Mais encore une fois, ça n’est pas une règle! Un APS-C de 12Mpx peut parfaitement mieux monter dans les ISO qu’un PF de 50Mpx…
      C’est ainsi que SONY commercialise son boîtier A7 en 3 versions:
      A7 RIV en 61 Mpx
      A7 RIII en 24,2 Mpx
      A7 RII en 12,2 Mpx quasiment « sans limite » dans la montée ISO…

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